Ainsi, il est utile d’apporter des éclaircissements techniques et politiques sur les questions relatives aux îles Eparses qui font l’objet d’un vif débat de contestation dans la sphère politique à Madagascar. La question qu’y surgit se résume comme suit : Est-ce que la Cogestion est-elle applicable et pertinente pour gérer les îles Eparses qui font partie intégrante du territoire de Madagascar, un pays souverain ?
(+) : Qu’est-ce qu’exactement la cogestion ?
(=) : D’abord, la Cogestion est un des outils de la Nouvelle Gestion Publique (New Public Management). Il s’agit de transposer le mode de gestion privé dans la gestion des affaires publiques pour optimiser la gestion des affaires publiques. La cogestion est une des formes de gestion participative, souvent utilisée au sein d’une entreprise ou organisation ouverte. La gestion participative peut être définie comme un mode de gestion utilisant un ensemble d’instruments techniques visant à faire partager le pouvoir décisionnel et à renforcer l’assise financière afin de responsabiliser l’ensemble des acteurs dans la poursuite des objectifs organisationnels. La gestion participative peut concilier la participation financière et la participation à la gestion.
(+) : Comment mettre en place un système de Cogestion des îles Eparses s’il est inévitable de l’appliquer?
(=) : La Cogestion ne s’applique pas sur une réalité homogène. Les instruments de participation sont conçus, par conséquent, sur la base d’un contexte particulier dont il faut tenir compte lors de la phase d’implémentation.
Ainsi, il semble opportun de rappeler que La France et Madagascar, deux pays désireux de travailler de manière participative à la gestion des îles Eparses doivent choisir les modalités d’application s’adaptant à la réalité. De plus, l’intensité de la participation dans la gestion de ces îles Eparses peut aussi être prise en considération.
(+) : Est-ce un mode de gestion rigide ?
(=) : La cogestion est un instrument évolutif. Elle repose à la fois, en effet, sur deux éléments:
D’une part, l’engagement et la volonté de la France et de Madagascar de travailler ensemble dans la valorisation des Iles éparses,
D’autre part, sur des facteurs externes liés à l’évolution économique, technologique, sociale et politique.
Les interactions entre ces deux éléments peuvent à tout moment modifier l’équilibre de l’organisation et demander un ajustement de la cogestion mise en place.
(+) : Est-ce qu’il existe un pré-requis exigé à l’implémentation de la Cogestion des îles Eparses ?
(=) : Les autorités qui désirent implanter un système de management participatif des îles Eparses se doivent d’être attentives à certains pré-requis, en particulier la négociation qui débouche à une Convention.
En effet, la cogestion n’est pas un cadeau fait à la France mais une façon nouvelle et dynamique de renforcer les relations économique et diplomatique entre Madagascar et son ancien pays colonisateur. Ainsi, elle doit être considérée comme un mode novateur de collaboration.
Vu sous cet angle, introduire une Cogestion des îles Eparses équivaut à procéder à une nouvelle répartition du pouvoir décisionnel. Il est donc primordial de débattre avec la France la forme que prendra ce nouveau mode de management et de pourvoir le négocier.
Cette phase de négociation s’effectue dans un cadre organisé et clairement délimité. De plus, la cogestion implique de la part des deux pays qu’elle assure au sein de ces îles un esprit valorisant la souveraineté de Madagascar, en tant que pays propriétaire légal et légitime.
Le climat dans lequel s’opèrera le passage vers une décision de cogestion est un élément fondamental de réussite. Il est essentiel de prévoir une structure d’organisation flexible de la cogestion afin d’assurer une large interdépendance entre ces deux pays, une nouvelle répartition du pouvoir et une grande transparence de gestion.
(+) : Quel est le processus d’implémentation de la dite Cogestion des îles Eparses ?
(=) : La mise en place de la cogestion est un processus qui s’inscrit dans le temps. Afin d’atteindre au mieux l’objectif visé à l’application de ce mode de gestion, les autorités concernées devront être particulièrement à l’écoute et ne pas hésiter à réorienter le projet initial, à l’expliquer et le cas échéant à retarder sa mise en œuvre opérationnelle selon le contexte économique et politique.
La décision devra être particulièrement attentive à respecter l’analyse des attentes mutuelles de ces deux pays désireux de cogérer les Iles éparses. Il doit que la cogestion tiendra compte certains éléments tels que l’identification du besoin, la faisabilité du projet, la sensibilisation de la population ou de ses représentants, la mise en place d’un comité qui accompagnera le projet pilote, le diagnostic de la situation, la diffusion des résultats et des propositions, le suivi et évaluation du projet, etc.
(+) : Donc, vous en tant que spécialiste, quelle est votre recommandation pour gérer et valoriser les îles Eparses ?
(=) : La participation aux résultats est une forme de Cogestion. Elle consiste à intéresser la France aux résultats de l’exploitation économique de ces îles Eparses en lui demandant de fournir les investissements nécessaires. Elle peut s’effectuer par plusieurs modalités, entre autres, par le moyen de la participation aux bénéfices selon un pourcentage prédéfini. La forme de participation complète implique le rachat des îles Eparses par la France où la France souhaite gérer les îles Eparses sous tous ses aspects : production, financement, etc.
La participation partielle permet à la France de devenir copropriétaire des îles Eparses dans lesquelles elle utilise son argent ou ses entreprises.
La participation de la France à la propriété que ce soit partielle, soit complète, est inadmissible.
Pourquoi ? Parce qu’au vu et au su de la communauté internationale et du peuple malgache, les îles Eparses appartiennent bel et bien à l’Etat malgache. De ce fait, dans le cadre de Cogestion, je dis haut et fort : Oui à la participation de la France aux résultats des exploitations des ressources minières et stratégiques et non à sa participation à la propriété partielle ou complète des îles Eparses.
(+) : En quoi s’agit-il de manière plus explicite et précise ?
(=) : A titre d’illustration, des conventions sur l’octroi des Permis de Recherche, d’Exploration et d’Extraction des gisements des minerais et des pétroliers devraient être mises sur pied dans le cadre de la Cogestion.
En outre, quelle que soit la forme de Cogestion à appliquer, Madagascar devrait percevoir des redevances issues des futures exploitations et valorisations économiques des îles Eparses dans différents domaines: mines, tourisme et ressources halieutique et des divers prélèvements obligatoires tels que l’impôt sur les revenus des sociétés, l’impôt sur les revenus salariaux, les taxes de pollution, les doit des douanes, etc.
(+): Est-ce que la Cogestion substitue –t- elle donc la souveraineté de l’Etat malagasy ?
(=) : Non, quel que soit le niveau de transformation de l’économie mondiale et l’importance de la géopolitique française à l’échelle mondiale, la rigidité de la souveraineté de l’Etat malagasy reste indispensable et doit s’appliquer sans ambigüe si la Cogestion des îles Eparses s’impose à nous.
Dans cette optique, la Cogestion ne doit pas se réduire à un système de « Protectorat » au sens strict du terme ou à une participation à la propriété partielle ou complète de la France aux îles Eparses.
Bref, la Cogestion des îles Eparses devrait se fonder sur la rigidité de la souveraineté nationale selon les intérêts économiques et juridiques régionaux et internationaux réciproques.
Propos Recueillis par Solange Heriniaina